A l’heure d’internet, du très haut débit, des fusées, du buzz et du dopage intensif, on a du mal à croire que les époques antérieures à la nôtre avaient déjà une furieuse tendance à zapper, et dans certains domaines de manière plus brutale et plus abrupte qu’aujourd’hui. Ce monde qui allait déjà trop vite, c’est un peu le malheur de The End, dont l’unique album, Introspection avait bien dix-huit mois de retard.
Enregistré en plein boom psychédélique Londonien, à partir de Juillet 1967, Introspection n’est effectivement sorti, pour des raisons diverses et variées, qu’en 1969 alors que l’on était déjà passé à Led Zeppelin, Cream et consorts. Imaginez un instant qu’un album enregistré en 2014 ne soit plus d’actualité en 2016… étant donné qu’il n’y a pas vraiment de nouveaux mouvements musicaux depuis le début du vingt et unième siècle, cela semblerait incongru.
The End avait pourtant un atout de maître pour être sur le devant de la scène : le groupe était produit par Bill Wyman, le bassiste des Stones et enregistré par Glyn Johns ; celui qui enregistra Let it be des Beatles avant que cela ne fut massacré par Phil Spector. Les Stones venait de sortir leur album psychédélique, le maltraité Their Satanic Majestic Request, qui est bien mieux que ce qu’on a voulu faire croire. Cet album a la particularité, en outre, de contenir la seule chanson des Rolling Stones écrite et chantée par Bill Wyman, In Another Land
Bon, on n’a effectivement pas trop l’impression d’écouter The Rolling Stones, mais la chanson est tout à fait raccord avec l’époque. Et, de fait, on reconnaît la même patte dans tout l’album des The End. Un pop rock psyché avec un orgue mis en avant, quand ce n’est pas le clavecin comme dans Loving Sacred Loving (co écrite par Bill Wyman), des guitares à la Syd Barrett, des mélodies bien british : Introspection est très certainement un des meilleurs albums du genre. On est véritablement plongé en plein Swinging London. S’il reste affilié à Their Satanic Majesties Request, il est néanmoins bien plus homogène et beaucoup moins perché.
Malheureusement, l’échec de l’album sonna le glas du groupe. Et on le redécouvrit à la fin du siècle dernier à travers des rééditions, dont celles de Decca, label d’origine. En 2014, ce dernier, comme tout gros Label, réédita Introspection en vinyle à un tarif honteux, aux alentours de 30 € pour un simple LP. Une telle pratique n’incite évidemment pas à l’achat. Vous pouvez donc l’écouter sur les plateformes de streaming… en attendant que les Major se décident d’arrêter , avec le retour du Vinyle, de prendre les consommateurs pour des vaches à lait, une fois de plus. On a le droit de rêver.