De toutes les histoires des légendes oubliées de l’histoire du rock, celle de Bobby Jameson se hisse sans problème dans le top 5 des plus abracadabrantes.
Vous allez me dire : mais je croyais que l’on allait parler de l’album de Chris Lucey ? Oui, aussi. Mais surtout de Bobby Jameson.
Bobby Jameson est né en 1945, dans l’Illinois et part vivre avec sa mère en Arizona à l’âge de 10 ans, et enfin s’installe en Californie en 1962. Il a appris la guitare et enregistre son premier 45 tours en 1963, Let’s surf, sur le label Jolum.
Puis, il rencontre un drôle de zouave, Tony Alamo, qui devient son manager, avant de devenir évangéliste puis condamné à 175 ans de prison pour abus sexuel sur mineur. On n’en est pas là. En 1964, notre Bobby sort un 45 tours sur le label de Tony Alamo, Talamo, I’m so lonely, qui connaît son petit succès.
Après cela il émigre un temps au Royaume Uni où il enregistre quelques singles, dont un signé Jagger/Richards, mais le succès n’est pas au rendez vous. Il retourne donc à Los Angeles. Jusque là, rien d’exceptionnel. Sauf que Bobby est approché par Mira Records, un label peu scrupuleux qui a déjà enregistré un album d’un certain Chris Ducey. Cet album s’appelle Songs of Protest and Anti-Protest, Chris Ducey a écrit les titres, enregistré et chanté les chansons. Pour brouiller un petit peu les pistes on a mit une photo de Brian Jones des Stones sur la pochette. Bon, pourquoi pas. Le disque était pour le public européen, donc il fallait mettre un anglais connu dessus pour le vendre. C’est une méthode comme une autre. Toujours est-il que le Chris Ducey 1 en question s’est rétracté juste avant la sortie de l’album pour une raison de contrat qu’il avait signé auprès d’un autre label.
Qu’à cela ne tienne. Mira demande à Bobby de réécrire des chansons et de les enregistrer. Ce qu’il fait en deux semaines! L’album sort, cette fois sous le nom de Chris Lucey, on a changé le D en L, mais on a gardé la photo de Brian Jones. Jameson, lui, est crédité en tant qu’auteur-compositeur, mais ne possède aucun droit sur ses enregistrements. Dans ce contexte de commande un peu factice, on se demande comment Bobby Jameson a pu créer un aussi bel album.
D’aucuns le comparent à Forever Changes de Love, il est quand même bien plus mélancolique. Surtout, pour un album publié en 1965, il est furieusement moderne et s’appuie sur un song writing particulièrement audacieux et sombre. Les arrangements eux sont quand même de très bonne tenue pour un album enregistré à la va vite.
Bien évidemment l’album ne rencontre pas son public et devient au fil des années, un objet très recherché. Il faudra attendre 2002 que le label Rev-ola l’exhume et le réédite, affublé de 4 inédits sans grand intérêt (surtout eu égard à la flopée de bons singles enregistrés par Jameson). Le livret est très bien fourni, mais il semble que Rev-ola a perdu toute trace du dit Bobby Jameson, qui était connu pour avoir des tendances suicidaires. On le considère alors pour mort. Du moins en 2002.
Bobby Jameson a néanmoins enregistré d’autres albums et single après The song of protest and anti-protest. Le prochain article chroniquera donc l’album suivant… et révèlera ce qu’est devenu Bobby… à moins que, impatient que vous êtes, vous ne cherchiez des indices sur la toile !
L’album est trouvable en vinyle à un prix prohibitif
1 Chris Ducey a continué sa carrière avec Penny Arcarde puis a enregistré d’autres albums dont un est resté inédit. Une version de The song of protest and anti-protest est venu en mp^3 sur Amazon sous le nom de Chris Ducey, mais il s’avère que c’est un fake et qu’il ne s’agit toujours pas de l’album originel !