S’il y a bien un nom que tout digger français (et même mondial) digne de ce nom doit connaître, c’est bien celui du label Kiosque d’Orphée. Enfin, label, c’est pour aller vite. Il s’agit plutôt d’une maison de disques qui permettait à des artistes de s’autoproduire à petite, voire très petite quantité. Repris par Georges Batard en 1967, le Kiosque d’Orphée se situait à partir de ce moment dans le quatrième arrondissement de Paris.
Là où le Kiosque d’Orphée se démarquait, c’est qu’il pouvait presser des vinyles à partir de 50 exemplaires – ce qui n’est même plus vraiment possible de nos jours. Qui plus est, Georges Batard était aussi un passionné et n’hésitait pas à mettre la main à la pâte pour améliorer le son.
Les débuts de l’autoproduction
De 1967 à 1991, beaucoup de jeunes artistes, mais aussi des chorales, ou d’autres collectifs, ont profité de l’occasion pour faire presser des albums ou des 45 tours, alors qu’ils étaient refusés par les labels professionnels. Et comme c’était l’époque où l’on pouvait commencer à s’enregistrer soi même, avec des Revox par exemple, le catalogue du Kiosque d’Orphée est assez impressionnant.
Autre point important, les pochettes étaient souvent très artisanales, réalisées à la main… le contenu musical était aussi très souvent artisanal… mais il y avait au moins un point commun : tous ces disques étaient rares et inconnus. L’aubaine pour les diggers en mal de sons iconoclastes.
Born Bad Records nous gratifie donc d’une très belle compilation menée d’une main de maître par Sacha Sieff, et nous propose un triple album avec 23 titres tirés du fameux catalogue. Le tout orné d’un livret très beau et très complet.
Le kiosque d’Orphée : un catalogue essentiellement Lofi
Bien évidemment ces titres sont de qualités inégales, mais il y a tout de même de très belles perles. Les afficionados du lofi seront très bien servis, tellement les réalisations, faites de bric et de broc, nous émeuvent par leur aspect bancal et confidentiel. Le premier titre , de Mar vista, plutôt planant, sonne rudement bien, et l’on comprend mal pourquoi cela n’a pas été signé par un label. Pour les autres titres, c’est un peu plus flagrant. Il y a tout de même quelques morceaux de bravoure, de ceux qu’on est émerveillés de découvrir, tellement on est loin des productions professionnelles, mais qui par leur spontanéité – mais aussi par le recul que l’on peut avoir avec les années – nous emportent dans un univers inconnu.
Nous avions déjà parlé de Demon & Wizard dont l’album a été réédité par Caméléon Records, et il était normal que groupe trouve sa place dans cette compilation. Mais le titre le plus surprenant, est celui de Spotch Forcey, intitulé Frustré, pas tout à fait punk, mais pas non plus cold wave, en tout cas complètement déjanté.
Beaucoup d’inconnus… mais aussi quelques artistes qui ont percé
Toutes les saillies électroniques, (Joêl Boulotteau, Alain Meunier, Didier Bocquet) sont vraiment intéressantes à écouter. D’autres chansons sont vraiment étonnantes et réussies, (Chantal Weber, Polaris etc. ), certaines sont des curiosités. Le titre de Inscir Transit Express de dix huit minutes avec un long solo de batterie, est quant à lui, vraiment dispensable. Enfin, il ne faut pas oublier que des artistes qui sont devenus connus ont aussi commencé par enregistré au Kiosque D’orphée, comme Claude Mairet (guitariste de Thiéfaine) et surtout Dominique A (qui raconte sur le livret son expérience avec le label de Georges Batard) qui avait autoproduit Un disque sourd.
Cette compilation, à prix raisonnable pour un triple album, va sans nul doute atterrir sur les étagères de tous les collectionneurs… en attendant de trouver les albums originaux, qui se vendent souvent à plusieurs centaines d’euros.
KIOSQUE D’ORPHÉE – Une épopée de l’autoproduction en France – 1973/1991
3LP – Born Bad Records