Pourquoi diable parler des Beatles sur un blog consacré aux disques obscurs ? Tout d’abord parce que la réédition de The Beatles autrement appelé le White Album, contient sa part d’inédits, on en reparlera. Aussi parce que The Beatles a cinquante ans cette année, et que, même si l’on a déjà fait un top albums de 1968 un peu spécial, il n’y a pas eu meilleur album cette année là. Enfin, et surtout, parce que je considère l’album blanc non seulement comme le meilleur des Beatles, mais peut-être le seul que j’emmènerais sur une île déserte, dans le cas improbable où l’on me laisserait le choix d’un seul disque pour aller finir ma vie seul sur un bout de terre inhabité, inhospitalier, mais pourvu d’électricité et d’une chaîne hi-fi.



Parler des Beatles, reste toujours un exercice périlleux, tout le monde a son avis sur les Beatles, le défendant bec et ongle. Il n’y a donc pas plus risqué que d’affirmer que haut et fort qu’un album des 4 de Liverpool serait meilleur que l’autre. Disque de rupture par rapport au foisonnant Sgt Pepper’s Lonely Hearts Club Band, The Beatles est en outre absolument imparfait. Il contient, par exemple, la pire chanson des Beatles, Good Night, avec une des plus mauvaises, Ob-la-di Ob-la-da, et il est difficile de se fader le collage sonore post Schwittersien Revolution 9 d’une traite sans avoir envie de prendre un Xanax. Mais bon, Abbey Road n’est pas en reste de chansons faibles avec Maxwell Silver Hammer et Octpus’s Garden, et Revolver comporte bien Yellow Submarine, Sgt Pepper’s et surtout Rubber Soul s’en sortent bien mieux dans leur track listing.

Un album complètement hétérogène

C’est pourtant parce qu’il est complètement bancal et particulièrement hétérogène (on n’a plus le droit de dire foutraque) que l’album blanc se distingue du reste de la discographie des Fab Four. C’est à la fois le plus rock, le plus acoustique, le plus expérimental, le moins Beatles du fait des compositions plus individuelles, et le plus Beatles par sa diversité (et par son titre, quand même). Fait étrange, le seul titre vraiment emblématique, vraiment Beatles, est signé Georges Harrison, While My Guitar Gently Weeps, une des chansons au monde les plus difficiles de ne pas aimer .



L’album Blanc ouvre la voie à tellement de styles que chacun y trouve son compte. Helter Skelter, bien sûr, pièce fondatrice du Heavy Metal, Happiness is a Warm Gun par ses cassures rythmiques a directement inspiré Radiohead pour Paranoïd Androïd, les plus belles pièces de picking Blackbird et Julia etc. À vrai dire, c’est un peu comme si chacune des chansons qui parcourent l’album donnait un thème d’album à développer, et le fait même que toutes ces chansons se retrouvent sur une même (double) galette, avec leurs défauts, en font un marqueur unique dans l’histoire de la pop-rock.

Le nouveau mix du White album par Giles Martin

Cinquante ans après, l’on retrouve donc The Beatles remixé par le fils de Georges Martin, Giles. Après le remixage de Sgt Pepper’s, on avait un peu peur.  Bien évidement, un autre mix du White, ne peut pas plaire à tout le monde. Certains, ne s’en sont pas remis, comme ce chroniqueur de Gonzaï. Pour ma part, je le trouve ni réussi, ni raté. Le tout sonne avec un peu plus de pep’s tout de même, notamment Martha My Dear et Rocky Racoon, il y a des choix parfois étranges sur certains instruments et d’autres qui viennent exister comme par magie. Ça peut être une autre manière d’écouter et de redécouvrir des titres que l’on pensait connaître par coeur.

Des démos à veux-tu en voilà

Dans le coffret Vinyle Deluxe, un autre double album est ajouté, ce sont les démos dites d’Esher, enregistrées chez Georges Harrison en mai 1968. Les aficionados les connaissaient déjà, dans des versions plus ou moins audibles. Il n’empêche, elles apparaissent là, remixées, et dans un deuxième album tout blanc. L’objet est, il faut le dire, assez jouissif pour les fans. Quand au contenu des dites démos, elles sont plus qu’intéressantes. Véritable version « unplugged« d’une partie des titres qui se retrouveront que le « White« , on apprécie non seulement la bonne humeur qui se dégage de ces prises (en totale contradiction avec l’ambiance délétère de l’enregistrement de l’album à Abbey Road), mais aussi de découvrir des versions « à nue » de titres essentiels. Le plus intéressant reste les chansons qui ne sont pas sur l’album blanc, dont trois de Georges Harrison. On ne comprenait déjà pas pourquoi Not Guilty avait été écartée lors de la publication de l‘Anthology 3, et c’est encore plus flagrant avec la version des Esher. Autre bonne surprise, What’s the New Mary Jane, dont on comprenait, cette fois, pourquoi elle n’avait pas été incluse dans le track listing dans sa version finale et expérimentale. La version dépouillée des Esher, dévoile une chouette chanson, certes un peu déjantée, mais qui a été abimée par la suite à force d’arrangements abscons.

 

Cinquante ans et toujours aussi blanc

La version CD deluxe, elle, contient 6 cd, et plus de cinq heures d’écoute. Elle est réservée aux ultra fans qui écoutent encore des cd. On pourra écouter les démos sur les plateformes de streaming. Premier regret : le Graal que tout beatlemaniac attendait, c’est la version de 27 minutes de Helter Skelter (si jamais elle a vraiment existé). Elle n’y est pas. Il y a une version longue de la prise 2 que l’on retrouve sur l’Anthology 3 (vous suivez?) et qui dure déjà plus de 10 minutes, mais ne présente pas vraiment d’intérêt. Pour le reste, il faut avoir envie d’écouter les versions différentes et parfois ratées de toutes les chansons. Quelques jams peuvent faire plaisir à entendre, Can you take me back est une jolie curiosité, on peut s’étonner aussi que Goodnight était bien moins nulle à l’origine mais que Georges Martin a tout gâché avec ses arrangements sirupeux. Plus intéressantes sont les multiples versions de Révolution

 

Mais qu’on ne s’y trompe pas, au final, c’est le produit fini le meilleur et que l’on prend toujours plaisir à écouter, dans sa version initiale, remasterisée de 2009 ou bien remixée de 2018. The Beatles est définitivement le meilleur album des Beatles